Un relief escarpé parfumé d’ylang‑ylang
Anjouan surgit de la mer comme une forteresse verte : pics basaltiques, vallées profondes, torrents impétueux. Les alizés chargent ses pentes d’humidité, donnant au sol la fertilité nécessaire aux épices : clou de girofle, muscade, vanille, et surtout ylang‑ylang dont l’île exporte près de 60 % de la production mondiale d’huile essentielle utilisée en haute parfumerie. Les effluves sucrés enrobent les hameaux et accompagnent le voyageur du littoral aux crêtes.
Du sultanat d’Anjouan à la quête d’autonomie
Fondée au XVe siècle, la ville portuaire de Mutsamudu devient dès le XVIIᵉ siècle la cité la plus prospère de l’archipel, commerçant avec Zanzibar, la Perse, l’Inde et l’Europe. Sa citadelle fut édifiée en 1786 avec l’aide de conseillers britanniques pour repousser les raids malgaches ; bien que partiellement détruite par un cyclone en 1950, elle domine encore le quai et la médina aux ruelles tortueuses.
Après l’abolition des sultanats en 1908 sous administration française, Anjouan participe à l’indépendance de 1975, mais réclame à plusieurs reprises une autonomie accrue, notamment lors de la crise sécessionniste de 1997. Aujourd’hui, l’île demeure profondément attachée à ses traditions tout en s’ouvrant lentement au tourisme.
Montagnes, lacs et forêts luxuriantes
L’intérieur montagneux est protégé par le Parc national du Mont Ntringui. Au terme d’une piste raide, on atteint le lac Dzialandzé : un miroir d’émeraude de 280 m sur 150 m perché à 910 m d’altitude, entouré de fougères géantes et de forêts humides. Les randonneurs peuvent poursuivre jusqu’au mont Ntringui (1 595 m) pour admirer l’île entière et, par temps clair, la silhouette de Madagascar. Sur les pentes, on croise parfois le maki d’Anjouan, petit lémurien, et des orchidées sauvages aux couleurs intenses. Plus bas, une série de cascades – Tatinga, Dziancoundre – creusent des piscines naturelles idéales pour une baignade fraîche au cœur de la jungle.
Immersion culturelle et artisanale
La médina de Domoni, ancienne capitale du sultan, préserve des maisons aristocratiques ornées de portes au décor coranique et de vérandas sculptées. Les habitants excellent dans la poterie rouge et la vannerie en feuille de palmier.
Dans les distilleries d’ylang‑ylang, les fleurs cueillies à l’aube macèrent dans la vapeur pendant 18 heures ; chaque litre d’essence nécessite 350 kg de pétales, ce qui explique sa valeur et la délicatesse des arômes délivrés. Le soir, les orchestres de twarab mêlent oud, qanun et percussions dans des cours intérieures illuminées par des lampes à pétrole – moment magique pour goûter le café à la cardamome et les beignets mahamri.
Activités pour voyageurs curieux
Outre la randonnée et la culture, Anjouan regorge de criques isolées. La côte sud‑ouest dévoile des bandes de sable noir volcanique, tandis qu’à l’est les plages de Moya réservent un sable blond bordé de falaises rouges. Les plongeurs peuvent explorer des secs riches en gorgones au large de Bimbini. Une journée d’excursion dans les plantations permet de participer à la cueillette de l’ylang et de suivre la distillation jusqu’au flacon d’huile, souvenir parfumé garanti.
Enfin, les gourmands testeront le langouste au gingembre ou la salade d’avocat‑mangue, touche fraîche après une balade en forêt.
Informations pratiques
On rejoint Anjouan en avion (25 min depuis Moroni). Les taxis collectifs sillonnent la route côtière, mais un 4×4 est recommandé pour le mont Ntringui. Prévoir vêtements légers mais couvrants ; un imperméable est utile en altitude. L’île accepte les francs comoriens et rarement les cartes ; changez vos euros au marché de Mutsamudu.
Avec ses reliefs spectaculaires et ses villages parfumés, Anjouan récompense celui qui prend le temps de sortir des sentiers battus et d’écouter la rumeur douce de la jungle mêlée à l’appel du muezzin.